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Pourquoi je ne veux pas du label AB

Vignes ex materia Paziols

Sommaire

Préambule

Je tiens avant tout Ă  prĂ©ciser quelques petites choses : je suis ultra favorable Ă  l’agriculture biologique, c’est sa certification qui me pose problĂšme aujourd’hui. Je pratique une agriculture respectueuse de l’environnement, des consommateurs et de moi-mĂȘme. Il s’agit ici d’expliquer pourquoi j’ai dĂ©cidĂ© de ne pas adhĂ©rer au processus certificatif (donc de m’asseoir sur les subventions qui vont avec) et d’essayer de faire un peu la lumiĂšre sur le concept finalement assez obscur d’agriculture biologique.

C’est quoi l’agriculture biologique ?

Bon alors Ă  la base le principe est ultra simple : utiliser uniquement des produits issus de la nature pour cultiver et transformer nos cultures.  

L’agriculture biologique n’est pas une mĂ©thode culturale en soi, mais bien un cahier des charges qui rĂ©pertorie ce qui est autorisĂ©.

Et ce qui n’est pas rĂ©pertoriĂ© me direz vous ? Eh bien c’est interdit.
Je vous invite Ă  lire l’article WikipĂ©dia sur le sujet, il est plutĂŽt bien fait.

Le concept d’agriculture biologique est nĂ© avec l’idĂ©e que ce qui est issu de la nature est sain par opposition Ă  ce qui vient d’un laboratoire (molĂ©cule de synthĂšse). PrĂ©cisons quand mĂȘme que ce concept date d’une Ă©poque oĂč la bouffe et les cultures ont Ă©tĂ© trafiquĂ©es avec tout et n’importe quoi. 

Au dĂ©but du XXe siĂšcle, avec l’avĂšnement des laboratoires de chimie, on arrive Ă  crĂ©er ce que l’on appelle des molĂ©cules de synthĂšse. Il peut s’agir de molĂ©cules nouvelles (qui n’existaient pas jusqu’alors) ou bien des molĂ©cules dĂ©jĂ  prĂ©sentes dans la nature. Le concept est intĂ©ressant Ă  plus d’un titre. En effet, en ce qui concerne les engrais, par exemple, plus besoin de charrier des tonnes de fumiers ! On synthĂ©tise en laboratoire des substances ultra riche en N P K (azote, phosphore et potassium), et on rĂ©alise des apports en quantitĂ© minime sur les cultures avec un maximum de rĂ©sultat, tout cela sans dangers ou problĂšmes (du moins c’est ce que l’on croyait Ă  l’époque). Ces substances sont dĂ©jĂ  minĂ©ralisĂ©es (directement disponibles pour la plante contrairement aux engrais organiques qui doivent se transformer pour ĂȘtre assimilĂ©s par les vĂ©gĂ©taux), et puis ça pue nettement moins !!! C’est aussi le cas pour le soufre que l’on utilise dans les vignes : il est synthĂ©tisĂ© lors des processus de transformation du pĂ©trole brut, s’il n’est pas extrait de mines ou des abords d’un volcan (voir article sur le sujet).

Un des grands intĂ©rĂȘts Ă  l’époque, c’est que l’on arrive Ă  obtenir des substances “pures”, relativement facilement, et Ă  moindre frais. C’est un immense progrĂšs pour le monde de la santĂ© (et ça a aussi permis aux laboratoires pharmaceutiques de faire beaucoup de profits). Il est parfois plus coĂ»teux et compliquĂ© d’extraire une molĂ©cule d’un produit naturel que de recrĂ©er cette mĂȘme molĂ©cule de maniĂšre synthĂ©tique, c’est le cas des curares par exemple.
Parfois on ne sait pas faire autrement, c’est le cas de la digitaline (mĂ©dicament cardio tonique) extraite de la digitale pourpre.

La science a continuĂ© de “progresser”. 

On a injecté des hormones dans les poulets en batteries pour les rendre plus gros et moins chers.
On a fait pousser des tomates  en hydroponie avec des solutĂ©s ultra concentrĂ©s en azote pour avoir des grosses tomates pleine de flotte toute l’annĂ©e.
Et puis on s’est mis Ă  manipuler les plantes et les animaux sur le plan gĂ©nĂ©tique pour qu’ils correspondent le mieux Ă  nos besoins (tant culturaux que financier ou encore gustatif ou de texture, etc
) avec les dĂ©rives que l’on connaĂźt aujourd’hui.

Bon ok, mais oĂč est-ce que je veux en venir avec tout ça ?

Mon avis sur la labellisation “Agriculture Biologique” 

Personnellement, je pense qu’on ne peut pas inclure ou exclure certains produits de  nos mĂ©thodes culturales ou de transformation juste parce qu’ils sont naturels ou de synthĂšses.

Reprenons  l’exemple des engrais. Je pense que rien ne vaut un produit naturel (donc qui pue la m
.). Eh oui : il ne s’agit pas que d’un apport en N P K, il s’agit  aussi de l’apport en carbone, qui est important, tout comme les oligo-Ă©lĂ©ments ou les autres matiĂšres minĂ©rales. Mais encore plus important, c’est tout le microbiote prĂ©sent dans les amendements organique qui rend possible leur assimilation par les plantes mais aussi et surtout de rendre les sols vivants. C’est ce qui lui permet de se renouveler et de ne pas se transformer en dĂ©sert. En revanche, pour le soufre , je prĂ©fĂšre un produit de synthĂšse qu’un produit issu d’une mine ou d’un volcan, au regard des conditions d’extraction.

C’est pour moi le problĂšme majeur de l’agriculture biologique labellisĂ© aujourd’hui. Cette mise en opposition des produits “issus de la nature” et ceux “issus de la chimie” fausse le dĂ©bat en embrouillant la rĂ©flexion des consommateurs. Parce que si l’on ne s’autorise pas de produit issu de la chimie alors exit le pĂ©trole et ses dĂ©rivĂ©s : donc plus de plastique ni essence ou gasoil. Finis la voiture, le tracteur, la dĂ©broussailleuse, la tondeuse, etc
 et je ne parle mĂȘme pas de tout ce que nous utilisons qui est composĂ© en partie de plastique.

Tant qu’on y est, j’aimerais dĂ©zinguer une croyance populaire : le bio n’est pas exempt de traitements insecticides!

Par contre ces produits doivent ĂȘtre d’origine naturelle et autorisĂ©s par l’état/l’Europe. Il existe des exceptions pour certains produits de synthĂšse pour lesquels nous n’avons pas d’alternative (notamment certains traitements contre la cicadelle de la flavescence dorĂ©e). Pour plus d’information vous pouvez lire les articles du journal sur le cuivre et le soufre.

Bref, vous l’aurez compris : “in medio stat vertus” 
La vertu est dans le juste milieu pour ceux qui n’auraient pas fait latin LV2. 😁 

Je pense qu’il convient de rĂ©flĂ©chir Ă  ses actions en fonction des besoins que l’on a et de prendre en compte tous les tenants et aboutissants.. Je prĂ©fĂšre adapter l’utilisation de mes produits en fonction de mes convictions, de mon expĂ©rience et des buts Ă  atteindre.  

C’est sur ce point que j’adhĂšre davantage Ă  la philosophie “Nature et ProgrĂšs” qu’à celle d’ “AB”. 

Alors concrÚtement comment ça se passe ?

Pour le label AB il y a un cahier des charges français et europĂ©en (sachant que le français est plus exigeant que l’europĂ©en).Il faut  respecter ce ou ces cahiers des charges et il faut le prouver. Et pour le prouver, ce n’est pas l’État ou l’Europe qui contrĂŽle mais une entreprise privĂ©e qu’il faut payer (c’est le fameux FR BIO 01, FR BIO 09, FR BIO 10, etc
). Ces entreprises, comme Ecocert ou Bureau Veritas, sont donc rĂ©munĂ©rĂ©es par les entreprises agricoles pour vĂ©rifier qu’elles respectent ou non le cahier des charges. On imagine bien le genre de dĂ©rive que cela peut occasionner
 (ça s’appelle du conflit d’intĂ©rĂȘt).

Il y a aussi des choses dont le label AB ne tient pas compte et qui me dérangent. Par exemple, on peut faire des citrons bio et les emballer individuellement (ou par 2, 4, etc 
.), dans du film plastique sans que cela ne pose le moindre problÚme..

Moi, c’est le genre de pratique qui m’agace. Et personnellement, dans ce cas, je prĂ©fĂšre me tourner vers une agriculture “traditionnelle” mais avec moins d’emballage. 

Il y aussi la problĂ©matique de la gestion des produits autorisĂ©s et interdits. On peut par exemple utiliser un insecticide portant la mention “UAB” (utilisable en agriculture biologique) en 2020, mais on n’a pas fini le produit. On se dit qu’on va le garder pour 2021, ça fait des Ă©conomies et moins de dĂ©chets. Sauf que pendant l’hiver, pour des raisons relativement obscures, ce produit a perdu sa mention “UAB”. Il faut donc ramener le produit au magasin pour qu’il soit recyclĂ© et bien sĂ»r, il ne sera pas remboursĂ©. Par ailleurs, si vous ĂȘtes passĂ© Ă  cĂŽtĂ© de l’info (et ça arrive frĂ©quemment, on ne campe pas devant le site https://ephy.anses.fr/ pour savoir ce qu’il se passe dans le monde passionnant des produits phytopharmaceutiques) et que vous l’avez utilisĂ©, vous pourriez perdre votre labellisation face Ă  un certificateur peu comprĂ©hensif.

Mais alors pourquoi un label et lequel ?

Quand je travaille dans mes vignes ou dans ma cave, je sais ce que je fais. J’ai conscience de mes pratiques et je mesure les consĂ©quences des produits que j’utilise. Mais aujourd’hui il ne suffit plus de jurer ses grands dieux (ou sur la tĂȘte de sa mĂšre, c’est selon) pour justifier ses pratiques : il y a malheureusement eu trop d’abus. 

Ainsi, il ne reste que 2 solutions :

  • soit on connaĂźt le producteur et ses pratiques car on s’est rendu sur place et on a discutĂ© et instaurĂ© un rapport de confiance. Cela peut se faire sur un ou deux producteurs voisins mais on ne peut malheureusement pas aller partout
  • soit on fait appel Ă  un label qui fera ce travail pour vous.

Personnellement je pense qu’aujourd’hui les consommateurs ont lĂ©gitimement besoin de repĂšres, pour ça un label que l’on connaĂźt et que l’on dĂ©fend peut tout Ă  fait faire “le job”.

Alors j’ai cherchĂ© et je suis tombĂ© sur le site internet de “Nature et ProgrĂšs”. Je connaissais dĂ©jĂ  certains produits mais assez mal la dĂ©marche et j’ai Ă©tĂ© sĂ©duit.

Avec Nature et ProgrĂšs, le contrĂŽle se passe diffĂ©remment. Vous ĂȘtes visitĂ© par un exploitant et un consommateur du rĂ©seau, leur objectif Ă©tant de comprendre votre dĂ©marche globale afin de vous attribuer la mention. 

La dĂ©marche est donc plus impartiale, on ne paie personne, donc pas de conflit d’intĂ©rĂȘt. 

Les contrÎleurs se basent sur un cahier des charges propre à chaque culture mais celui-ci ne constitue pas une fin en soi. Il peut y avoir des exceptions si elles sont justifiées et rares (exceptionnelles quoi !). 

Je trouve cette dĂ©marche intelligente parce qu’elle se base sur la communication, l’échange, et pas seulement sur une grille avec des cases Ă  cocher. 

Je vous invite Ă  y voir de plus prĂšs sur leur site internet , il est vraiment bien fait.

Et tant qu’on parle de label, vous pouvez aussi jeter un Ɠil Ă  Biodyvin, Demeter, Vin mĂ©thode nature, Les vins sains, Association des vins natures !