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Le soufre et la vigne

le soufre en viticulture

Sommaire

Je vais  parler ici de traitements de la vigne et non pas des fameux sulfites que l’on retrouve dans le vin (mĂȘme s’il y a un lien, nous le verrons). Et quoi de mieux pour introduire ce sujet qu’une petite dĂ©finition ? (ne rĂ©pondez pas c’est une question purement rhĂ©torique)

C’est quoi le soufre ?

Quelle que soit sa forme, poudre ou liquide,  il s’agit quasiment systĂ©matiquement de l’ion sulfure (S2-) que l’on utilise pour traiter la vigne. Il peut y avoir des adjuvants qui entrent dans sa composition mais on ne va pas s’étendre sur le sujet. Il peut se prĂ©senter en sac de poudre jaune trĂšs  volatile que l’on utilise pour le poudrage direct, ou bien sous forme de poudre plus grossiĂšre (granulĂ© dispersible dans l’eau), ou encore sous forme liquide. 

En ce qui concerne les mĂ©thodes d’application, on peut : 

  • soit pulvĂ©riser la poudre directement sur la plante (Ă  la main ou avec un outil qui souffle la poudre) 
  • soit  rĂ©aliser un mĂ©lange Ă  base d’eau dans lequel on peut y ajouter du cuivre pour lutter contre le mildiou, de l’engrais foliaire qui pĂ©nĂštre par les feuilles, et des adjuvants comme de l’essence de terpĂšne (pas de panique, c’est issu de la sĂšve de conifĂšre) qui permet aux produits de mieux coller aux feuille en cas pluie. 

Tous ces produits entrent dans le cahier des charges du vin bio s’ils portent la mention UAB (Utilisable en Agriculture Biologique) et font partie de ce que l’on appelle les intrants. Les produits à base de soufre font partie de la famille des fongicides.

Alors que l’on soit bien clair, les vignes non traitĂ©es sont rarissimes (comme la plupart des cultures agricoles d’ailleurs). Il s’agira de petites parcelles de cĂ©page plutĂŽt rĂ©sistant, comme la syrah par exemple, souvent isolĂ©es et avec des rendements trĂšs faibles (10 Ă  15 hl par hectare). Comme j’en ai parlĂ©  dans l’article sur le cuivre (si vous lisez les articles dans l’ordre, aprĂšs si vous ĂȘtes des dĂ©glingos j’y peux rien
😁) il existe des alternatives plus “naturelles” mais leur efficacitĂ© me paraĂźt trop faible lors des fortes pressions de maladie. Cela dit je ne m’Ă©tendrai pas sur le sujet car je ne le maĂźtrise pour le moment que trĂšs peu.

Et ça sert à quoi ?

Le soufre permet de lutter contre l’oĂŻdium de la vigne qui est une maladie qui va affecter la qualitĂ© des raisins.

Le carignan est un cĂ©page qui y est extrĂȘmement sensible par exemple. Les recommandations sont d’effectuer un poudrage lors du stade des premiĂšres feuilles et du stade  de la fleur. Ensuite, il convient d’utiliser un soufre mouillable en aspersion tous les 7 Ă  10 jours jusqu’à la fermeture de la grappe (ceci est un exemple de schĂ©ma de traitements, le mien pour tout dire) . Ouais, c’est un peu technique, alors  voici une petite image qui va vous aider :

Bien sĂ»r, dĂšs qu’il pleut, il faut y retourner parce que le soufre est vite rincĂ© par les averses.

On peut s’estimer Ă  l’abri de l’oĂŻdium Ă  partir de la fermeture de la grappe, vers fin juillet, et donc arrĂȘter de traiter. S’il ne pleut pas, ou peu, entre les derniers traitements et les vendanges, les couches successives de soufre qui se sont accumulĂ©es sur les raisins et qui vont donc se retrouver dans la cuve vont contribuer Ă  crĂ©er les fameux sulfites prĂ©sents dans le vin. Mais on est d’accord : dans des proportions ridicules comparĂ© Ă  un jus allĂ©grement arrosĂ© d’anhydride sulfureux pendant le processus de vinification (voir article correspondant).

Quels sont les effets indésirables du soufre ?

Alors comme on l’a dĂ©jĂ  vu pour le cuivre rien ne sert de courir, il faut traiter au bon moment ! C’est pour cette raison qu’il existe des lettres d’information, tel que le bulletin de santĂ© du vĂ©gĂ©tal qui est Ă©ditĂ© toutes les semaines et rassemble un maximum d’Ă©lĂ©ments objectifs pour dĂ©cider de quand traiter, avec quels produits, Ă  quelles doses, etc…

En revanche, et contrairement au cuivre, le soufre n’est pas un mĂ©tal lourd, il ne s’accumule donc pas dans les sols. Il a cependant un effet nĂ©faste d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale sur l’ensemble du biotope de la vigne puisqu’il s’agit d’un fongicide non sĂ©lectif. Et ce n’est pas tout, le soufre Ă  un autre inconvĂ©nient : il majore les effets de brĂ»lure thermique liĂ© aux rayons du soleil. Attention donc aux Ă©pisodes caniculaires !!! Une parade Ă  ce dĂ©sagrĂ©ment peut  consister Ă  utiliser de la poudre disposĂ©e au pied du cep de vigne. Sous l’action du soleil, de la vapeur Ă©mane du soufre au sol et traite la plante mais ne la brĂ»le pas. Cette technique Ă©tait notamment utilisĂ©e au Maghreb. Elle n’est malheureusement pas compatible avec les rĂ©gions venteuses. 

D’oĂč vient le soufre ?

Mais revenons Ă  nos moutons. D’une maniĂšre trĂšs simplifiĂ©e et schĂ©matique, on peut obtenir du soufre de 2 façons (le mĂȘme ion) :

  • Soit on le ramasse, on en trouve particuliĂšrement aux abords des volcans, dans des mines (il y en a eu prĂšs de Narbonne) 
  • soit  on l’obtient par raffinage lors de la transformation du pĂ©trole en carburant. 

Alors lĂ  2 Ă©coles s’affrontent. 

Les premiers, adeptes du soufre naturel, vantent les mĂ©rites d’un produit qui n’est pas issu de la pĂ©trochimie, donc plus vertueux et Ă©galement plus pur. C’est selon eux plus respectueux de la nature et de l’environnement. Ils s’orientent donc vers du soufre de mine ou volcanique.

Les seconds ne dĂ©fendent pas nĂ©cessairement la pĂ©trochimie mais ils achĂštent ce qu’ils trouvent chez leur revendeur phytosanitaire sans se soucier de la provenance. Parmi eux, certains font le choix d’un soufre issu de la pĂ©trochimie.

Comment choisir ?

Pour choisir, il faut comprendre. Voici donc quelques éléments qui ont orienté ma prise de décision.

Pour le soufre volcanique, c’est socialement et humainement que les choses posent problĂšme :  les conditions d’extractions sont Ă  vomir. Des mineurs indonĂ©siens descendent dans les volcans, sans protection, pour ramasser le soufre Ă  mains nues, pour 2$ par jour et dĂ©passent rarement l’Ăąge de 40 ans Ă  cause de l’atmosphĂšre toxique qu’ils respirent Ă  longueur de journĂ©e.

Le soufre minier est aujourd’hui extrait grĂące au procĂ©dĂ© Frasch. Le principe est d’injecter de l’eau surchauffĂ©e Ă  165°C sous 25 Ă  30 bars de pression pour faire fondre le soufre (qui se liquĂ©fie Ă  115°C), puis en injectant de l’air comprimĂ© on parvient Ă  faire remonter le soufre sous forme liquide. L’ennui c’est que la mĂ©thode utilise entre 3 000 et 38 000 litres d’eau par tonne de soufre (en fonction de la profondeur du gisement). Ce procĂ©dĂ© est encore utilisĂ© en Pologne et au Mexique. Il a constituĂ© une vĂ©ritable rĂ©volution au dĂ©but du XXe siĂšcle lors de son invention puisque l’on a pu s’affranchir des mineurs pour extraire le soufre.

Le soufre issu de la pĂ©trochimie est, quant Ă  lui, produit par les raffineries en quantitĂ© Ă©norme tous les ans, et ce, qu’il soit utilisĂ© ou non. En effet, cela fait partie du processus de raffinage des carburants. Je ne m’étendrai pas sur les pollutions liĂ©es Ă  ces pratiques, beaucoup l’ont dĂ©jĂ  fait et bien mieux que je ne le ferais moi mĂȘme. Dans les annĂ©es 1970 la pĂ©trochimie a dĂ©trĂŽnĂ© la mĂ©thode Frasch car moins coĂ»teuse. Il existe Ă©galement des usines qui raffinent du soufre sans produire de carburant.

Alors c’est vrai qu’entre acheter les poubelles des industriels de la pĂ©trochimie, contribuer Ă  l’exploitation de mineurs du tiers monde ou gaspiller nos ressources en eau, le choix n’est pas simple. Personnellement j’ai choisi de ne pas participer Ă  l’exploitation d’ĂȘtres humains et de prĂ©server les ressources en eau ; j’utilise donc du soufre issu de la pĂ©trochimie. Cela ne me satisfait pas vraiment mais Ă  ce jour, c’est le seul compromis que j’envisage. Je me penche sur les mĂ©thodes de traitements “alternatives” (voir article sur le cuivre) mais je ne maitrise pas encore assez le sujet pour pouvoir m’affranchir du soufre.