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Sommaire

Je me rĂ©clame du vin nature, comme beaucoup d’autres vignerons. 

Mais finalement : 

Qu’est ce que c’est un “vin nature” ?

Je ne peux pas rĂ©pondre de maniĂšre objective et exhaustive Ă  cette question, tant le concept est vaste et sujet Ă  interprĂ©tation. Avec cet article, je souhaite simplement exposer ce qu’est le vin nature pour moi, et comment il anime mes pratiques. De fait, tout ce que vous allez lire ici (comme dans tous les autres articles de ce journal d’ailleurs) ne sont que le reflet de mon point de vue, Ă  l’instant oĂč je les Ă©crit. Comme on dit : “il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis.”

Aujourd’hui, quand on parle de vin nature, on parle d’une “famille” de vins qui sont Ă©laborĂ©s avec une grande idĂ©e : que la culture de la vigne, ainsi que le processus de vinification soient les moins interventionnistes possible. 

En gros, on se dit que la nature fait bien les choses. 

Le vin nature est souvent placĂ© en opposition aux vins dit « traditionnels », “technologiques” (au passage, vous noterez la drĂŽle d’opposition des deux termes) ou encore « conventionnels » qui sont Ă©laborĂ©s avec l’idĂ©e que grĂące Ă  l’intervention de l’homme, et aux progrĂšs technique et technologique, on produit un  vin meilleur ou moins cher. Cette Ă©cole ne se prive donc d’aucun procĂ©dĂ©s techniques, Ă  la vigne comme Ă  la cave.

Pour moi,  il y a du vrai dans ces deux visions. 

Je pense que la nature fait bien les choses et qu’il n’est pas nĂ©cessaire d’ĂȘtre interventionniste Ă  outrance pour faire du bon vin. 

Ceci dit, quand on laisse du jus de raisin fermenter dans un rĂ©cipient sans intervenir et sans le protĂ©ger, tout ce que l’on obtient c’est un  mauvais vinaigre.

“In Medio Stat Virtus”, la vertu est dans le juste milieu.
Vous le lirez souvent dans mes Ă©crits car c’est un adage auquel je suis trĂšs sensible.

Lorsque des progrĂšs techniques voient le jour, nous ne pouvons pas avoir de recul quant Ă  leur mise en Ɠuvre (normal, c’est nouveau !!!). Nous n’en voyons donc que rarement les dĂ©fauts au dĂ©but. Ce n’est qu’aprĂšs des mois, des annĂ©es, voire des siĂšcles d’usages que l’on se rend compte des problĂšmes liĂ©s Ă  une pratique. Et je pense que toutes les techniques sont concernĂ©es, qu’elle soit naturelle ou artificielle, agronomique ou industrielle, ancienne ou rĂ©cente, etc


Et d’un point de vue lĂ©gislatif ?

Officiellement, le terme vin nature n’est pas autorisĂ© car il sous-entendrait qu’il y a, par opposition, du vin “pas nature”. Artificiel donc ? Cela n’aurait pas vraiment de sens. 

On parle donc de “vinification en mĂ©thode naturelle”. Alors trĂšs bien, ça nous fait une belle jambe, mais ça ne rĂ©pond pas Ă  la question !!! Oui, c’est vrai, mais c’est parce que c’est trĂšs compliquĂ©. Il n’y a pas d’appellation (AOP, AOC,…) “vinification mĂ©thode naturelle”, il n’y a que des labels privĂ©s qui ont chacun un cahier des charges diffĂ©rents. Enfin pas trĂšs diffĂ©rent mais en tout cas suffisamment pour qu’il y en ai plusieurs. Je ne vais pas me lancer dans un listing et un comparatif long et ennuyeux : je prĂ©fĂšre vous laisser aller voir sur les sites de diffĂ©rents labels concernĂ©s. Pour n’en citer que quelques un, il y a : 

Le premier est le seul label officiel, il est reconnu par la Direction GĂ©nĂ©rale de la Concurrence, de la Consommation et de la RĂ©pression des Fraudes. Son cahier des charges est simple et clair. Il est trĂšs rĂ©cent lorsque j’écris ces lignes et donc dĂ©tenu par peu de vignerons Ă  ce jour.

Le second est une association qui promeut le “vin  nature”, mais qui n’est pas un label de part son fonctionnement et sa forme juridique, tout comme les vins S.A.I.N.S. (Sans Aucun Intrant Ni Sulfites)

Nature et ProgrĂšs est une grosse association qui s’est engagĂ©e dans un processus d’attribution d’une mention. Elle dĂ©fend l’agriculture biologique (dont elle est prĂ©curseure)  mais aussi l’agro Ă©cologie, la biodiversitĂ©, les initiatives locales et autonomes, la rĂ©duction des dĂ©chets, etc 
. C’est une dĂ©marche trĂšs globale qui donne droit Ă  une mention si on respecte les cahiers des charges.

Enfin les deux derniers se focalisent sur la biodynamie, Biodyvin est le pendant français de Demeter (deutsch origine, deutsch qualitat !!!).

Toutes ces mentions (labels ou pas) ont des points communs :

  • Il faut avoir du raisin cultivĂ© en bio ,certifiĂ© AB le plus souvent (n’hĂ©sitez pas allez voir l’article sur le sujet). 
  • Il est quasiment obligatoire pour toutes de travailler en levure indigĂšne (ou en tout cas vivement conseillĂ©e). 
  • Les sulfites sont trĂšs souvent prohibĂ©s ou alors admis Ă  doses homĂ©opathiques. 
  • Les mĂ©thodes oenologiques modernes (flash pasteurisation, osmose inverse, etc
.) sont le plus souvent interdites. 

Mais pourquoi autant de label différent ?

Eh bien, trĂšs certainement parce que l’ĂȘtre humain (et le français en particulier) a une tendance naturelle Ă  “ne pas ĂȘtre d’accord” de  maniĂšre gĂ©nĂ©rale. 

Je m’explique : pour certains, labourer un sol est une hĂ©rĂ©sie agronomique, mais les levures exogĂšnes ne sont pas un problĂšme en soi puisqu’elles viennent de la nature Ă  la base, elles ont juste Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©es. Pour d’autres, les sulfites dans le vin sont l’ennemie public numĂ©ro 1 mais le soufre Ă  la vigne est indispensable. Il y en a qui ne jure que par la biodynamie et qui n’ont pas de problĂšme Ă  sulfiter des vins (dans la limite du raisonnable bien sĂ»r). Enfin, il y en a d’autres qui dĂ©fendent l’idĂ©e qu’il faut limiter tous les intrants au maximum et d’autres qui disent que tant que l’on ne retrouve pas l’intrant dans le vin fini celĂ  n’est pas un problĂšme (filtration, inertage Ă  l’azote, DAP ou Ă©corce de levure, etc…. Pour ceux qui se posent la question, les intrants sont les produits que l’on ajoute Ă  la vigne ou Ă  la cave ainsi que les procĂ©dĂ©s technique que l’on utilise : les traitements du vĂ©gĂ©tal (engrais, pesticide), les sulfites, les colles, la “nourriture Ă  levure” (DAP), la filtration, etc 
 On peut aussi faire rentrer dans cette catĂ©gorie les outils marketing et le packaging.

Si pour certains le paragraphe précédent est difficile à comprendre, je vous invite à lire les différents articles du site pour tenter de mieux comprendre, de mon point de vue, les termes et les enjeux du monde viti/vinicole.

Car c’est toute cette complexitĂ© qui donne un sens Ă   ces labels (mentions, titres, etc..) : en effet, nous n’avons pas tous les mĂȘmes sensibilitĂ©s. Nous ne sommes pas tous rĂ©voltĂ©s par les mĂȘmes pratiques et nous n’avons pas tous les mĂȘmes convictions. 

C’est peut ĂȘtre ce que nous avons perdu de vue avec notre seul et unique label bio. 

Personnellement, je pense qu’une multitude de label peuvent et doivent coexister car ils permettent de mettre en lien les consommateurs avec les producteurs autour de convictions communes.

La question n’est donc pas “qui est un bon ou un mauvais label ?” mais « quel est le cahier des charges qui me correspond le mieux ?”. 

OĂč en est Ex Materia dans sa dĂ©marche “nature”  ?

Il n’y a pas si longtemps (dans une galaxie pas si lointaine), je ne me souciait pas trop de la maniĂšre dont Ă©tait fait le vin, et encore moins de comment Ă©tait conduite la vigne. Seuls comptaient le goĂ»t et le prix. Mais ça c’Ă©tait avant de basculer du cĂŽtĂ© obscur de la force et de me retrouver confrontĂ© Ă  des choix, aussi bien Ă  la cave qu’à la vigne. Bon, j’avais amorcĂ© un virage vers le nature en 2018, juste avant de m’installer Ă  Paziols. À cette Ă©poque, je travaillais Ă  temps partiel Ă  Paris, et j’avais repris contact avec une vieille connaissance de lycĂ©e. Il tenait Ă  l’époque le Benichat, un bar Ă  vin nature avec quelques petites choses Ă  grignoter, rue Bichat dans le 10em. David, fervent dĂ©fenseur de la bonne bouffe, du vin nature et des grosses teufs jusqu’au bout de la nuit, m’a fait dĂ©couvrir plein de jus, de plein d’endroit diffĂ©rents, Ă  un moment oĂč je tournais en rond sur le plan oenologique : j’avais l’impression que “tout goĂ»tait pareil”. 

GrĂące Ă  David, c’est toute une palette de goĂ»t que j’ai redĂ©couvert dans le vin. J’ai goĂ»tĂ© des trucs que j’ai trouvĂ© vraiment dĂ©gueulasse et d’autres que j’ai trouvĂ© exceptionnel. C’est un peu comme ça que mon monde s’articule : des grands extrĂȘmes entre lesquelles s’agitent une multitude d’individualitĂ© que l’on arrive pas Ă  faire entrer dans une case.

C’ est lĂ , pour moi, le secret du vin nature : il ne s’articule pas autour d’un produit type issu d’une Ă©tude de marchĂ©, mais bien de la reconquĂȘte d’une libertĂ© que les vignerons avaient un peu perdu au fil des appellations et des labels.

C’est ce que j’ai pu confirmer Ă  mon arrivĂ©e Ă  Paziols en rencontrant des vignerons libres :

  • SĂ©bastien du domaine De Mena, 
  • Jess et Laurent de Salem (qui s’appelait la Recerca Ă  l’époque), 
  •  Xavier de Poc Ă  Poc, 
  • BenoĂźt et Erika des Gragnotes 
  • Anna et Jean-Benoit de la Voluta 
  • Alain des Vins de Papi. 

Tous ces vignerons et viticulteurs qui font du vin avec convictions, m’ont montrĂ© que seule compte la ligne directrice que l’on se choisit d’emprunter, et qu’il faut la dĂ©fendre avec humilitĂ©. 

Le seul critĂšre d’Ă©valuation qui en vaille la peine, tout subjectif qu’il soit, est : est-ce que le vin est bon ? Si c’est le cas alors il faut persĂ©vĂ©rer. Si ce n’est pas le cas, il faut se remettre en question et savoir changer son fusil d’épaule. Et mĂȘme si je prĂ©fĂ©rerai que vous m’achetiez du vin Ă  moi, je vous encourage Ă  aller goĂ»ter les vins de tous ces drĂŽles d’oiseaux car ils sont comme leurs producteurs : entiers, vrais et uniques.

Ma ligne directrice du moment

Aujourd’hui (le 20 juin 2021), je travaille peu les sols de mes vignes, je les tond et je fais quelques griffages pour Ă©viter d’ĂȘtre envahi de plantes qui concurrencent la vigne en eau. J’utilise des engrais et amendement organique achetĂ© chez un revendeur, je traite la vigne avec du soufre et du cuivre, je vinifie en levure indigĂšne et je sulfite lĂ©gĂšrement (2gr/hl en moyenne) Ă  la fin des fermentations. J’utilise Ă©galement du DAP (Diammonium phosphate) quand les fermentations patinent. Il s’agit d’azote pour nourrir les levures. J’aimerai m’en passer mais je n’ai pas encore trouvĂ© la solution pour le faire.

Dans le futur j’aimerai utiliser des engrais verts, fabriquer mon amendement et utiliser des tisanes et des purins (orties, prĂȘles, etc
) pour traiter la vigne. J’aimerai aussi planter des arbres autour de mes parcelles, faire du travail du sol Ă  cheval, etc
… Je vous invite Ă  parcourir le site pour en savoir plus sur mes pratiques 😉